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L'expression du taux effectif global au sein de l'Union européenne

ANIL, Habitat actualité, avril 1998


Une directive européenne du 22 février 1990 a défini une méthode unique de calcul du taux effectif global en matière de crédit à la consommation.

Un délai de six ans, qui n'a pas été tenu, était prévu pour que la pratique des différents pays membres de la Communauté soit mise en conformité avec ses exigences. Simultanément la Commission a mis à l'étude l'éventualité d'une extension de cette directive au crédit hypothécaire ; une expertise avait été confiée à Bernard VORMS par la Commission sur ce sujet en 1993.

Pour remettre à l'ordre du jour la question du crédit hypothécaire, alors même plusieurs méthodes d'expression du taux des prêts à la consommation continuent de coexister, une nouvelle étude a été confiée, par la DG XXIV, en juin 1996, à la société d'étude Empirica.

Ses conclusions s'écartent assez sensiblement de celle du rapport de 1993. S'agissant du TAEG, la société Empirica conteste, qu'à l'échelon européen, il puisse rendre compte de l'extrême diversité des produits hypothécaires (traitement des instruments à taux variable, maturité des prêts, différences d'un pays et d'un produit à l'autre, prestations accessoires obligatoires ou non). Dans le cas où la Commission souhaiterait néanmoins introduire un TAEG européen, en vue de comparer les produits hypothécaires, Empirica suggère de classer les produits existants par différentes catégories (par exemple, prêts à taux variable, prêts in fine, crédits différés etc.) et de les étiqueter en conséquence.

Ces propositions soulèvent plusieurs objections.

Alors que l'avènement de la monnaie unique se rapproche, aucun argument ne peut justifier l'absence d'un étalon unique en matière de crédit hypothécaire, dès lors que c'est techniquement possible, ce que conteste Empirica. Les obstacles tenant à la nature même des prêts hypothécaires qui interdirait la définition d'une unité de mesure unique ne paraissent, en effet, pas vraiment insurmontables ; examinons-les.


Les obstacles qui tiendraient à la comparabilité entre des prêts de natures différentes

Prêts à taux variables référencés

Dans la plupart des pays, la production se répartit entre taux fixe et taux révisable.

Le principe doit être donc d'afficher le taux " a priori ", en fonction des données connues au jour de l'offre, assorti, cela va sans dire, des conditions précises de variabilité et c'est la pratique qui prévaut dans plusieurs pays.

En outre, la sophistication croissante des produits financiers réduit la différence entre taux fixe et taux variable : l'existence de cap, destinés à sécuriser l'emprunteur fait de certains prêts des produits " semi-variables " et la différence s'exprime bien par une différence de taux " a priori " : le taux d'un variable capé est généralement plus élevé qu'un variable pur et moins élevé qu'un fixe.

Il est d'autant plus important d'avoir un instrument qui permet de comparer, a priori, le " coût initial " de l'option de cap ou de fixité.

Prêts renégociables

De la même façon, dans le cas des prêts renégociables, le taux retenu doit être celui de la première phase de prêt, assorti des conditions de fixation de taux à la période suivante ; les données prises en compte restent celles qui sont connues au jour de l'offre.

Prêts à révisables non référencés

Dans les pays, les plus nombreux, qui exigent que la règle de révision fasse référence à un index connu, indépendant de l'établissement prêteur, il ne sera pas possible de faire des prêts transfrontaliers prévoyant des clauses de révision discrétionnaires, encadrées par les seules vertus de la concurrence, pratique qui est légale en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Prêts in fine, " endowment " et crédits différés

Ce sont des " cas limites " en ce qu'il s'agit, en réalité, de produits " complexes " : l'un associe un produit d'assurance et un prêt, l'autre fait succéder un prêt à une phase d'épargne. Dans les deux cas, il est logique que l'affichage du TAEG ne s'applique qu'au coût du seul prêt. Rien n'empêche de calculer le coût actuariel de l'ensemble de l'opération, prêt plus assurance-vie dans un cas ou phase d'épargne et phase de prêt dans l'autre, mais c'est une autre affaire et l'objet du TAEG doit être de comparer le coût des prêts. Le fait de disposer d'une unité de mesure unique pour le taux ne signifie pas que ce critère soit le seul élément du choix du consommateur. D'autres obstacles portent sur les frais à prendre en compte dans le calcul du taux et sur leur imputation sur la durée du prêt.

Compte tenu de la diversité des pratiques hypothécaires européennes, l'assiette du taux doit être assez étroite et ne prendre en compte que des éléments déterminés de façon normative : frais de dossiers, frais de courtage, " dissagio " et assurance-crédit doivent être inclus dans le calcul du taux effectif global, à l'exclusion des frais d'assurance, qu'elles concernent la personne de l'emprunteur ou le gage et des frais liés aux sécurités.

Les frais d'expertise doivent-ils être inclus dans le taux ? L'étude de 1993 répondait par l'affirmative, mais cette solution apparaît aujourd'hui comme plus sujette à discussion : en effet, le souci de protéger le consommateur conduit certaines réglementations nationales à exiger, dans des cas précis, des expertises techniques portant sur la qualité du bâti, à côté des expertises strictement économiques qu'exige le prêteur sur la valeur du bien ; il y a là une source de confusion.

En tout état de cause, l'obligation d'expertise, comme son coût, doit figurer dans les informations que le prêteur doit obligatoirement fournir. L'assiette du taux inclut donc, pour l'essentiel, des frais perçus par le prêteur, mais leur énumération permet d'éviter toute ambiguïté.

En outre, bien que non perçue par le prêteur, l'assurance-crédit doit être inclue dans l'assiette du taux : en effet, dans les pays qui ne recourent pas à ce type d'assurance (" private mortgage insurance "), le taux des prêts s'accroît avec leur quotité. Le taux d'un prêt couvrant 90 % de la valeur du gage est notablement plus élevé que celui d'un prêt dont le montant n'excède pas 50 % de cette même valeur.

Le " pricing " peut s'exprimer sur le taux sec, sur les frais de dossiers ou sur le coût de l'assurance crédit, comme c'est le cas aux Etats-Unis.

Cette définition relativement étroite du TAEG est assurément en recul par rapport à certaines réglementations nationales, mais c'est la seule équitable et compatible avec des pratiques hypothécaires très diversifiées. Au demeurant, on observe que dans les pays, comme la France, qui ont une définition très large du TAEG, la publicité se fait de plus en plus sur le taux " sec ", c'est-à-dire celui qui résulte du seul paiement des intérêts et de l'amortissement du capital : le consommateur y est perdant, qui s'oriente au moins autant en fonction des offres publicitaires, qu'il ne se détermine en fonction de l'offre de prêt contractuelle : celle-ci intervient souvent une fois la décision presque acquise.

Frais annexes et durée des crédits

Une difficulté spécifique aux yeux d'Empirica provient de ce que l'incidence actuarielle des frais forfaitaires qui rentrent dans le calcul du taux varie avec la durée d'amortissement du prêt auquel ils s'appliquent. Certes, mais le taux d'un prêt doit s'apprécier en fonction de sa durée prévisionnelle ; tel est d'ailleurs le cas et les taux des prêts s'accroissent, en général, avec leur durée prévisionnelle : le taux d'un prêt à 20 ans est toujours plus élevé que celui d'un prêt à 12 ans.

La question du remboursement anticipé fait l'objet d'un examen approfondi Elle correspond à un problème majeur. D'évidence, les pratiques dans ce domaine ne peuvent être rapprochées, à tout le moins à court terme, et ne relèvent pas d'une directive sur le crédit hypothécaire, tant elles correspondent à la conception qu'a chaque pays de l'adossement des prêts et des règles prudentielles qui s'attachent à ces opérations. Là encore, les règles de protection du pays d'accueil doivent s'appliquer et les offres transfrontalières devront se plier aux exigences de la protection des consommateurs édictées par chaque Etat, quand bien même cela devrait, et c'est probable, restreindre le volume de ces offres. Il est vrai que la question du remboursement anticipé soulève des questions d'un autre ordre, liées à la mobilité des personnes, mais aussi à la vulnérabilité inégale des encours des différents établissements, selon qu'ils sont ou non remboursables à faible coût, mais ces problèmes excèdent probablement le champ d'une éventuelle directive sur le crédit hypothécaire.

Reste que l'information du consommateur ne se réduit pas au seul TAEG et qu'une liste normative devra fixer les informations qui doivent obligatoirement accompagner le contrat de prêt, voire l'offre, si cette procédure devait devenir impérative.

Sur ce sujet, Empirica, comme l'ANIL en 1993, se prononce pour la méthode équivalente qui paraît un acquis, même si elle n'est encore utilisée, ni en France, ni en Allemagne. Enfin, Empirica rappelle, avec raison, que la notion de coût total du crédit, si l'on entend par là, le total des échéances non actualisées, est vide de sens et source d'incompréhension. En effet, il semble, qu'au-delà de l'attitude affichée des établissements qui consiste à contester l'utilité d'une directive, la plupart d'entre eux soit prête à admettre la nécessité, dans leur domaine d'activité comme dans tous les autres, d'un étalon unique et équitable et incontestable.

Il n'est pas question d'unifier parfaitement les conditions de l'offre de crédit hypothécaire au sein de l'espace formé par les différents pays membres, alors même que cet objectif n'est pas encore atteint au sein de chacun d'entre eux.

Il convient, en revanche, de faire en sorte que les offres frontalières soient possibles, à la condition de respecter les dispositions protectrices du pays d'accueil. Et pour cela, il est essentiel que le particulier puisse comparer entre les offres qui lui sont faites.

Avant de prendre une décision, la Commission a souhaité que soit organisée au niveau européen une concertation entre les représentants des usagers et les organisations professionnelles des prêteurs.

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